Essentielle à l’organisme, l’isoleucine fait partie des acides aminés ramifiés à trois branches ou BCAA, reconnue pour son rôle dans la formation de corps glucidiques et cétoniques. Est-elle dotée de pouvoirs thérapeutiques ? Quels sont ses méfaits pour l’organisme ? Comment choisir son complément ? Les principales propriétés médicinales de cet aminoacide avancées par la science sont résumées dans ce billet. Attention toutefois, ces informations ne remplacent aucunement les conseils d’un spécialiste en la matière.
Sommaire
L’isoleucine est l’un des trois acides aminés ramifiés à trois branches dits BCAA (Branched Chain Amino Acid), aux côtés de la leucine et de la valine. Comparé à ces dernières, cet acide aminé protéinogène présente une capacité moyenne à induire la biosynthèse des protéines (Valine < Isoleucine < Leucine). En revanche, son aptitude à augmenter l’absorption et l’utilisation du glucose au cours d’un exercice physique intense est plus considérable, malgré le fait qu’il ne favorise pas la synthèse de glycogène. C’est l’une des raisons pour laquelle il est très apprécié des sportifs, en particulier des passionnés de musculation. L’isoleucine, abrégé I ou Ile est essentielle car l’organisme n’en est pas capable d’en produire. Elle est codé génétiquement par les codons AUA, AUU et AUC sur les ARN messagers.
Présentation de l’isoleucine
Propriétés physiques et chimiques
Isolée à partir de la vinasse de mélasse en 1904 par le chimiste Félix Ehrlich, l’isoleucine est le seul acide aminé aliphatique qui présente un second carbone asymétrique en plus de son carbone habituel α dans sa chaine. Cet acide aminé possède 4 isomères, mais seule la forme L(+)-isoleucine (2S,3S) est visible au sein des protéines en y formant un résidu apolaire aliphatique. Une autre de ses propriétés disctinctives est son radical hydrophobe (c’est le plus hydrophobe de tous les radicaux), permettant de constituer des liaisons hydrophobes avec d’autres acides aminés ayant un caractère hydrophobe comme la leucine et la phénylalanine.
La L-isoleucine représente environ 4 % des acides aminés constituants des protéines de l’organisme. Sa formule brute est C6 H13 NO2 et sa masse molaire, 131,1729 g/mol. (1)
Ses fonctions physiologiques
– Glucogène et cétogène :
Un de ses nombreux rôles dans l’organisme est de former des glucides et des corps cétoniques à partir de ses métabolites, suite à sa dégradation. Le métabolisme des acides aminés à chaine ramifiée à l’instar de l’isoleucine est totalement différent. La plupart des acides aminés sont hydrolysés par des enzymes en provenance du pancréas au niveau de l’intestin grêle après la décomposition des protéines par l’acide gastrique, avant d’être assimilés par les cellules des muqueuses où ils subissent une hydrolyse intracellulaire. Les acides aminés libres issus de cette réaction sont ensuite transportés via la circulation sanguine afin d’atteindre le foie et les tissus périphériques, ou bien métabolisés dans ces cellules. Pour le cas d’un acide aminé à chaine ramifiée comme l’isoleucine, les enzymes responsables de son catabolisme se trouvent dans les tissus extra-hépatiques. Il subit dans un premier temps une transamination réversible catalysée par une enzyme dite aminotransférase à chaine ramifiée et donne de l’alpha-céto-bêta-méthylvalérate. Ce dernier subit ensuite une réaction de décarboxylation oxydative irréversible par un système multi-enzymatique dans les cellules afin de donner d’autres produits, qui peuvent entrer dans le cycle de Krebs pour former des glucides ou bien former des corps gras ou cétoniques à partir de l’acétyl-CoA. (2)
– Autres rôles importants :
Cet acide aminé essentiel assure d’autres fonctions physiologiques non négligeables, telles que favoriser la cicatrisation des plaies, encourager l’élimination des déchets azotés, booster l’immunité, réguler la glycémie, intervenir dans la production de différentes hormones et de l’hémoglobine. Il intervient aussi dans diverses réactions métaboliques.
L’isoleucine est surtout concentré au niveau des tissus musculaires dans le corps humain, et disponible à des quantités moyennement élevées dans le sang, le lait maternel, le liquide céphalo-rachidien, l’urine, la sueur, la salive, les fèces ainsi que dans certains organes.
Principales sources
Essentiel, l’isoleucine doit être puisé dans les aliments et ou dans les compléments alimentaires. Il ne faut pas toutefois en abuser, en dépassant la dose limite fixée par les autorités sanitaires. Les besoins de l’organisme sont très variés, en fonction de l’âge, du sexe de l’individu et de son activité physique. Pour les nourrissons allant de 0 à 6 mois, il faut 88 mg/kg/jour d’isoleucine. Pour les enfants de 7 à 12 mois, l’apport recommandé est de 30 mg/kg/jour. Pour ceux âgés de 1 à 18 ans, les doses journalières indiquées vont de 22 à 16 mg/kg/jour. Les besoins sont moins importants au fil des années. Chez les adultes de plus de 19 ans, qui ne pratiquent pas d’exercices physiques intenses, l’organisme a besoin en moyenne de 15 mg/kg/jour de ce composé.
L’isoleucine peut être trouvé dans la plupart des aliments gorgés de protéines, mais toutefois en plus grosses quantités dans :
– Produits à base de soja,1,5 g pour 30 mg ;
– Tasse de germe de blé, 1 g ;
– Viande de bœuf, 400 mg pour 30 g ;
– Tasse de lait, 500 mg ;
– Thon, 300 mg pour 30 g ;
– Œuf, 200 mg ;
– Fromage cheddar et cottage, 400 et 200 mg pour 30 g;
– Légumineuses dont haricots noir, haricots pinto et lentilles, 100 mg par 30 g.
Quels sont les bienfaits de l’isoleucine d’après la science ?
Cet aminoacide favorise-t-il l’absorption des autres acides aminés ?
Il est connu que chez les sujets atteints d’hépatopathie chronique et d’encéphalopathie, la capacité d’absorption d’acides aminés est très réduite.
Cette expérience a été menée sur des patients souffrant de cirrhose hépatique de stade très avancé. La baisse de l’énergie et du catabolisme de ces individus a été liée à une anémie, avec un taux anormalement bas d’hémoglobine et d’isoleucine, d’après les observateurs. Afin d’augmenter le volume sanguin de ces patients et améliorer l’assimilation d’acides aminés par leur organisme, ils étaient nourris par voie parentérale.
La perfusion d’isoleucine effectuée toutes les 4 heures a conduit à une hausse des niveaux d’acides aminés dans le foie et les tissus musculaires. Aucune augmentation n’a été remarquée chez les groupes témoins (3). Cette seule expérience ne suffit pas toutefois pour émettre une conclusion. D’autres essais cliniques demeurent nécessaires avant de confirmer cette qualité thérapeutique.
Peut-il augmenter l’absorption de glucose dans les cellules musculaires ?
Selon les observations des scientifiques, l’isoleucine est le seul acide aminé à chaine ramifiée qui favorise l’absorption de glucose dans les cellules musculaires ; donc très indiqué aux sujets qui font une résistance à l’insuline. Rappelons un petit peu que l’insuline est une protéine hormonale à effet hypoglycémiant synthétisé par le pancréas, dont le rôle consiste à mettre en réserve le glucose dans les cellules musculaires et le foie. Les deux autres acides aminés BCAA, à savoir la leucine et la valine, semble par contre inhiber cette absorption. (4)
Chez des rats de laboratoires ayant administré des compléments d’acides aminés à leur alimentation, à savoir un mélange de 944,8 mg d’isoleucine, 6,68 mg de leucine, 5,28 mg de cystéine et 3,36 mg de méthionine ; il a été constaté une baisse importante du taux de glycémie après analyse. En doublant la dose de leucine, le taux d’insuline a légèrement augmenté.
Les scientifiques ont conclu que les compléments d’acide aminé, avec une dose élevée de L-isoleucine (à plus de 75 %), permet d’augmenter l’absorption de glucose dans les muscles, de réduire le taux de sucre sanguin et d’améliorer la résistance à l’insuline. Une dose de 0,5 g/kg de poids corporel s’est montré efficace chez ces rongeurs, soit l’équivalent de 10,8 g/kg pour un humain adulte. (5)
Les quelques essais cliniques menés sur les modèles animaux ne permettent pas de confirmer la réelle efficacité de ce produit sur l’homme. Il nous faut d’autres expériences de plus grande envergure sur l’homme avant de conclure sur ces effets.
Est-il capable de soulager les symptômes de la ménopause ?
La L-isoleucine pris en complément alimentaire chez les femmes ménopausées semble également réduire les symptômes, dont en particulier les bouffées de chaleur. Cette étude scientifique à titre d’exemple a été conduite dans le but de comparer son efficacité par rapport à la L-valine.
L’expérience randomisée a été menée sur un échantillon de 100 femmes ménopausées, connaissant en moyenne 5 bouffées de chaleur par jour, modérées à sévères. Ces dernières ont été départagées en 4 groupes et ont pris pendant la première phase de l’expérience qui a duré 12 semaines, du placebo (1er groupe), placebo (2nd groupe), L-isoleucine (3e groupe) et L-isoleucine (4e groupe). Dans la deuxième phase de l’étude qui s’est étalée sur 10 semaines, ces 4 groupes ont pris respectivement 2 capsules de L-valine, 2 capsules de L-valine + L-isoleucine, 2 capsules de L-valine, et 2 capsules de L-valine + L-isoleucine. Chaque capsule comprend 500 mg du composé concerné.
Pour évaluer l’état de ces femmes, des analyses régulières ont été effectuées et des questionnaires leur ont été donnés. Les résultats de ces contrôles ont montré qu’il n’y avait eu de différences significatives lors de la première phase de l’expérience, chez les 4 groupes. Au cours de la seconde phase, par contre, une diminution de 25 % des symptômes a été noté chez le groupe soumis à la L-isoleucine. Cependant, cet acide aminé n’a eu aucun impact sur le taux d’homocystéine d’après les analyses de sang. L’homocystéine – qui est un acide aminé issu du catabolisme de la méthionine – connait une hausse chez les femmes ménopausés, alors que c’est l’un des facteurs favorisant des maladies cardiovasculaires.
L’isoleucine réduit les symptômes de la ménopause, mais son action reste toutefois limitée, selon les conclusions scientifiques (6). Cette seule étude clinique n’est pas suffisante pour confirmer cet effet. D’autres observations doivent être menées avant de conclure sur sa capacité à soulager les bouffées de chaleur chez les femmes ménopausées.
Peut-il lutter contre les infections microbiennes ?
L’isoleucine joue également des rôles importants en matière d’immunité. Ceci s’explique par sa capacité à booster la production de β-défensines dans le corps. Les β-défensines sont en fait des peptides antimicrobiens – des polymères composés d’une quarantaine à une cinquantaine d’acides aminés – produits par les cellules épithéliales de la peau, de l’intestin et des voies respiratoires. Ces défensines humaines agissent sur un large spectre d’activités de bactéries, de microbes, de champignons et même de virus.
Au cours d’une expérience conduite sur des enfants souffrant de diarrhée aiguë, accompagnée d’une forte déshydratation ; l’administration de 2 g de L-isoleucine en complément à leur traitement a permis d’obtenir des résultats favorables. Cet acide aminé essentiel a favorisé la production de β-défensines au niveau des intestins ; ce qui a permis de lutter contre l’invasion de corps étrangers au niveau de cet organe. Les symptômes de la diarrhée se sont nettement apaisés.
La supplémentation de L-isoleucine est moyennement efficace dans la lutte contre les infections et les maladies d’origine microbienne, bactérienne et fongique, selon les scientifiques. (7) D’ailleurs, il faut d’autres essais cliniques de plus grande envergure avant de confirmer ce bienfait. Les publications scientifiques qui parlent de ce sujet manquent encore pour le moment.
Quels sont les dangers liés à la prise d’isoleucine ?
Administrée selon les doses prescrites par les médecins ou les spécialistes, l’isoleucine ne devrait causer aucun effet secondaire majeur. Son utilisation est toutefois proscrite chez certains sujets ayant des problèmes de santé graves tels que cancer, tumeur, néoplasie, etc. Découvrez ci-après quand ne pas prendre de L-isoleucine.
Interagir avec d’autres acides aminés
L’isoleucine, comme tout autre acide aminé à chaine ramifiée, interagit avec les « grands acides aminés neutres », dits LNAA ou Large Neutral Amino Acid, en particulier le tryptophane et la tyrosine. La L-isoleucine prise en grande quantité lors des traitements risque de modifier leur absorption, empêchant leur passage à travers la barrière hémato-encéphalique du cerveau. Or, ces deux acides aminés sont essentiels dans la synthèse de catécholamines et de sérotonine, des neuromédiateurs produits par les cellules nerveuses qui assurent la bonne stabilité émotionnelle. (8)
Favoriser les cancers
La prise de L-isoleucine semble être très dangereuse chez les sujets qui développent des cellules cancéreuses au sein de l’organisme. Sur des modèles animaux, cet acide aminé a favorisé le développement d’un cancer de vessie induit par des doses peu élevées de N-butyl-N(4-hydroxybutyl) nitrosamine ou BHBN. La prolifération des cellules malignes étaient plus importante chez ceux qui ont reçu de la L-isoleucine avec la substance chimique, que cette dernière uniquement. Les individus sains, par contre, qui ont servi de témoin n’ont présenté aucun symptôme, même à des doses élevées de cet acide aminé. (9)
Bien choisir son isoleucine en gélules
La prise de L-isoleucine en complément à l’alimentaire n’est nécessaire que dans un cadre de traitement particulier, en cas de carence en protéine ou bien lors de pratiques d’exercices physiques intenses. Le manque d’isoleucine se traduit chez l’Homme par des tremblements et des spasmes musculaires. Ce supplément permet d’encourager la croissance musculaire, de réduire la fatigue physique et d’augmenter les capacités à l’effort aérobique, chez les sportifs et ceux qui font de la musculation.
Sur le marché, cet acide aminé est proposé sous forme de gélule, poudre, capsule ou de liquide ; souvent accompagné de leucine et de valine pour former les BCAA. Il convient de choisir les suppléments qui proposent des ratios élevés en acides aminés, avec au moins 50 mg/kg d’isoleucine et en moyenne entre 2 et 10 g de leucine pour chaque gélule. La dose de valine est plus réduite.
Isoleucine : Quel est le dosage efficace ?
L’apport journalier indispensable en isoleucine, comme il a été dit auparavant, est de 15mg/kg de poids corporel chez ceux âgés de plus de 19 ans. Donc, un adulte de 60 kg aura besoin de 900 mg de cet acide aminé par jour issus de son alimentation. Dans le cadre d’un entrainement intensif ou d’un traitement, la posologie va de 500 mg à 2 g par jour, pour les suppléments. Pour un usage sécurisé du produit, il est préférable de demander l’avis d’un professionnel de santé avant tout traitement.
Le respect des doses établies est impératif. N’hésitez pas à demander l’avis d’un spécialiste si vous prenez d’autres acides aminés, de type AAA (Acides aminés aromatiques) ou LNAA. Sachez par ailleurs qu’une surveillance médicale est requise si vous prenez des compléments alimentaires.
Références
(1) Données fournies par Chem.qmul.ac.uk. : Atomic weights of
the elements, 2007.
(2) NAS, Food and Nutrition Board, Institut de médecine. « Apports nutritionnels de référence pour l’énergie, les glucides, les fibres, les graisses, les acides gras, le cholestérol, les protéines et les acides aminés (macronutriments) ». National Academy Press, Washington, DC, p. 606 et 704, 2009.
(3) Olde Damink SWM et al. Hepatology 45(3):560-8, 2007.
(4) Doi M and al. « Isoleucine, a potent plasma glucose-lowering amino acid, stimulates glucose uptake in C2C12 myotubes ». Biochem Biophys Res Commun, 2003.
(5) Doi M and al. « Hypoglycemic effect of isoleucine involves increased muscle glucose uptake and whole body glucose oxidation and decreased hepatic gluconeogenesis ». Am J Physiol Endocrinol Metab, 2007.
(6) Guttuso T and al. « Effects of L-isoleucine and L-valine on hot flushes and serum homocysteine: A randomized controlled trial ». Obstet Gynecol, 2008 Jul;112(1):109-15.
(7) Alam NH and al. « L-isoleucine-supplemented oral rehydration solution in the treatment of acute diarrhoea in children: A randomized controlled trial ». J Health Popul Nutr, 2011.
(8) NAS, Food and Nutrition Board, Institut de médecine. « Apports nutritionnels de référence pour l’énergie, les glucides, les fibres, les graisses, les acides gras, le cholestérol, les protéines et les acides aminés (macronutriments) ». National Academy Press, Washington, DC, p. 704-705, 2009.
(9) id.