Acide aminé essentiel pour les enfants et semi-essentiel pour les adultes et les adolescents, l’Histidine possède de nombreux rôles dans les fonctions protéiques. Qu’en est-il de ses propriétés médicinales ? Comment la prendre et profiter de ses bienfaits ? Ce billet résume les différentes propriétés médicinales de cet acide aminé mises en évidence par la science. Il convient de préciser que ces informations sont purement à titre informatif, et que seul un professionnel de santé peut confirmer ces bienfaits.
L’histidine est un acide α-aminé essentiel pour les enfants âgés de moins de 10 ans et semi-essentiel pour les adolescents et adultes, car l’organisme peut en synthétiser, mais à des quantités infimes et à une vitesse insuffisante. De ce fait, cet acide aminé doit être puisé dans les aliments enrichis en protéines, pour combler les besoins du corps et assurer son bon fonctionnement. Ce composé assure, en effet, d’importantes fonctions, notamment dans le développement du corps et la biosynthèse des protéines. Son énantiomère L– est un acide aminé protéinogène, encodé par les codons CAU et CAC sur les ARN messagers. En plus de ses rôles physiologiques, ce composé organique possède des propriétés médicinales intéressantes qui pourraient servir, lorsqu’il est administré à des doses plus élevées que l’apport journalier recommandé.
Sommaire
Présentation de l’histidine
Propriétés physiques et chimiques
L’histidine est connue également sous le nom d’acide 2-amino-3-(1H-imidazol-4-yl) propanoïque, ou bien les abréviations H et His. Sa découverte et sa première isolation remontent il y a plus d’un siècle, en 1896, par les chercheurs allemands Sven Hedin et Albrecht Kossel. Sa dénomination est tirée d’un terme grec ancien, qui peut être traduit en français par « métier à tisser » ou bien « mât de navire ». (1)
Comme tous les acides α-aminés, l’histidine comprend dans sa structure un groupe (–NH2+) α-aminé, mais qui se situe cependant dans la forme protonée –NH3+, et un groupe carboxyle (–COOH) dans la forme déprotonée –COO-. En effet, au niveau de sa chaîne latérale, il renferme un cycle imidazole avec un atome d’azote doté d’un pKa sensiblement égal à 6,8 – proche du neutre– , qui est capable de capter un proton (ion 1H+) en fonction des conditions physiologiques dans lesquelles cet acide aminé se trouve. Dans un milieu avec un pH inférieur à 6, le cycle imidazole est protoné et porte deux liaisons –NH avec charge positive, réparties sur les atomes d’azote. Par contre, lorsque l’acide aminé se trouve dans un milieu à pH supérieur à 6, l’un des protons se perd, et l’autre qui reste se fixe à l’un des deux atomes d’azote en formant ce qu’on appelle un tautomère.
Ce noyau imidazole de l’histidine est, par ailleurs, aromatique ; ce qui en fait un acide aminé aromatique et ce, à n’importe quelle valeur de pH.
Sa formule brute est C6 H9 N3 O2 et sa masse molaire 155,1546 g/mol. Cet acide α-aminé présente deux énantiomères, dont L ou S(–)-histidine la forme naturelle visible dans l’organisme et dans les aliments, et D ou R(+)-histidine, la forme racémique issue d’une synthèse chimique.
Ses fonctions physiologiques
L’histidine est un des acides aminés qui possèdent d’importants rôles dans certaines fonctions protéiques de par la présence de cycle imidazole dans sa structure, ainsi que dans divers processus biologiques de l’organisme. Voici quelques-unes de ses actions :
– Dans l’hémoglobine – c’est-à-dire l’hétéroprotéine responsable de la coloration rouge des hématies ou globules rouges – l’histidine agit comme une molécule tampon qui se charge de garder toujours le pH sanguin à son niveau normal.
– Dans certains sites actifs d’enzymes, cet acide aminé aide les résidus d’histidine à reprendre les transferts de protons.
– La formation d’un nombre non négligeable d’enzymes nécessite l’intervention de cet acide aminé, entre autres la gastrine qui est essentielle dans le processus digestif et la libération des nutriments dans les aliments.
– L’azote présent dans son noyau imidazole est aussi impliqué dans la formation des métalloprotéines, en assurant la fixation des ions de zinc, fer, cuivre ou autres cofacteurs métalliques aux protéines par des liaisons de coordination.
– C’est aussi un précurseur de l’histamine, la molécule chargée de la signalisation du système immunitaire, de la modulation des réactions immunologiques et inflammatoires, de la neurotransmission, et de la réponse allergique, ainsi que d’autres processus physiologiques importants. La conversion de l’histidine en histamine fait intervenir l’enzyme histidine décarboxylase.
– Cet acide aminé entre aussi dans la biosynthèse de carnosine. Juste pour rappel, la carnosine est un dipeptide présent dans les tissus musculaires. Un dipeptide est la combinaison de deux résidus d’acides aminés reliés par une liaison peptidique, dont ici l’histidine et la bêta-alanine.
– Sous l’action de l’enzyme histidase, appelée aussi histidine ammonia-lyase, cet acide aminé se dégrade suite à une désamination non oxydative – c’est-à-dire qu’il y a eu une perte d’amine – et libère deux métabolites, dont l’acide urocanique et l’ammoniac. Cet acide urocanique, présent en quantité considérable dans l’épiderme, est un excellent protecteur contre les UVB.
– Sous l’effet de certaines enzymes méthyltransférases, l’histidine peut, par ailleurs, se convertir en 3-méthylhistidine, qui peut servir de biomarqueur. Lorsque les concentrations de ce métabolite excrété par les urines sont élevées, cela signifie qu’il y a eu une importante dégradation de protéines. Cette importante perte concerne les sujets ayant subi des lésions musculaires.
– C’est aussi un stimulant de la libido féminine, grâce à son effet vasodilatateur.
Ses principales sources
Cet acide aminé essentiel doit être puisé dans les aliments que nous consommons tous les jours, afin de permettre aux différents processus biologiques de notre corps l’utilisant de se dérouler correctement. L’organisme Food and Nutrition Board de l’Institut de Médecine US a défini en 2002 un apport journalier moyen de 14 mg/kg de poids corporel chez les adultes âgés de plus de 19 ans. (2)
Normalement, les quantités de L-histidine apportées par nos aliments sont suffisantes pour subvenir aux besoins de l’organisme. Toutefois, des suppléments peuvent être indispensables, notamment dans le cadre d’un traitement particulier à base d’acides aminés. Voici une petite liste des meilleures sources de L-histidine (3) :
– Viande de bœuf, 1 402 mg/100 g ;
– Fromage Parmesan, 1 384 mg/100 g ;
– Poulet et dinde, 1 195 mg/100 g ;
– Graines de soja, 1 068 mg/100 g ;
– Épaule d’agneau, 920 mg/100 g ;
– Thon, 830 mg/100 g ;
– Graines et noix (arachide, pistache, graines de tournesol, grains de sésame, etc.), 780 mg/100 g ;
– Œufs et produits laitiers (lait entier ou écrémé, yaourt, beurre, crème, etc.), 309 mg/100 g environ ;
– Haricots et lentilles, 271 mg/100 g ;
– Céréales (riz blanc ou brun, quinoa, millet, gruau de sarrasins, etc.), 147 mg/100 g.
Ce que dit la science sur les bienfaits de l’histidine
Cet acide aminé possède-t-il un effet hypotenseur ?
Les acides aminés ont des effets totalement différents sur la pression artérielle. Certains ont des effets hypotenseurs, alors que d’autres sont hypertenseurs. Dans l’étude scientifique suivante, des scientifiques ont essayé de prouver ces faits et de comparer par la même occasion deux types de régimes alimentaires, dont le premier plutôt pauvre en gras, et le second une diète typiquement occidentale riche en matières grasses.
Pendant deux ans, des groupes d’individus soumis à ces régimes ont été suivis de près. À chaque contrôle effectué tous les 3 mois, divers facteurs ont été pris en compte, comme le niveau de risque de contracter des maladies cardiovasculaires, la pression artérielle et les quantités d’acides aminés administrés.
Les résultats de cette expérience ont montré que la pression artérielle systolique et diastolique de chaque individu contrôlé dépend de l’apport d’acides aminés qu’il administre au quotidien. Des niveaux de méthionine et d’alanine élevés sont associés à une pression artérielle plus élevée. Les sujets ayant consommé plus de thréonine et d’histidine par contre ont une pression artérielle relativement plus réduite. Ceci s’explique entre autres par leur propriété vasodilatatrice. Les scientifiques ont conclu que ces deux acides aminés pourraient être utilisés pour favoriser la baisse de la tension artérielle chez les sujets hypertendus. (4)
D’autres études cliniques restent essentielles avant de confirmer ces qualités thérapeutiques. Ces quelques essais menés sur un nombre restreint d’individus ne suffisent pas pour conclure sur quoi que ce soit pour le moment.
Est-ce une solution préventive contre les maladies dégénératives ?
La L-histidine figure parmi les acides aminés qui revêtent des propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires d’après bon nombre de publications scientifiques. Dans l’essai clinique ci-après, au lieu d’évaluer l’efficacité de ce composé à protéger les cellules et les divers tissus de l’organisme contre les radicaux libres, les scientifiques ont essayé d’observer les conséquences d’une carence sur l’état de santé des individus testés.
L’étude a été menée sur un groupe de personnes souffrant d’insuffisance rénale chronique, âgées de 19 à 70 ans, pendant 60 mois. Divers facteurs ont été pris en considération au début de l’expérience, à savoir le taux de filtration des glomérules qui était compris entre 0,8 et 14,5 mL/min en moyenne, l’apport d’histidine moyen consommé au quotidien, et l’importance de la maladie. À la fin de l’observation, il a été recensé 101 patients décédés.
Les résultats ont montré que chez les sujets souffrant d’insuffisance rénale plus sévère, d’atrophie musculaire, d’inflammation chronique, ceux ayant des antécédents de maladies cardiovasculaires, ou bien présentant des thrombus dans les vaisseaux sanguins, le taux plasmatique d’histidine a été relativement bas. La majorité des personnes décédées au cours de cette observation a développé des maladies dégénératives liées à une carence d’histidine.
Comme conclusion, les chercheurs ont émis que les faibles concentrations de L-histidine dans le sang sont associées à une inflammation chronique de l’organisme, à la perte de protéines, au stress oxydatif source de nombreuses maladies dégénératives et à un taux de mortalité plus accru chez les sujets ayant des problèmes d’insuffisance rénale chronique. Un apport supplémentaire de cet acide aminé au quotidien constituerait donc une mesure de prévention efficace contre ces maladies (5). Il faut plus d’études cliniques sur l’homme toutefois avant de confirmer cette propriété. Les preuves scientifiques ne suffisent pas pour conclure sur l’efficacité de cet acide aminé contre les maladies dégénératives.
Est-il capable d’agir sur la polyarthrite rhumatoïde ?
En basant sur la propriété anti-inflammatoire de cet acide aminé, des chercheurs ont essayé de l’utiliser dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, la forme la plus souvent rencontrée du rhumatisme inflammatoire.
Dans cette expérience randomisée en double aveugle avec contrôle placebo, cet acide aminé a été administré à une dose de 4,5 g par jour chez des patients souffrant de cette maladie pendant 30 semaines. Les résultats des contrôles effectués au terme de l’expérience ont montré une légère différence entre l’état de santé du groupe soumis à la L-histidine et celui du groupe placebo. Une diminution peu importante des symptômes a été notée chez les sujets qui l’ont pris à la manière d’un complément alimentaire tous les jours et une augmentation de l’hématocrite – volume occupé par les hématies ou globules rouges dans le sang – a été notée. Il faut savoir que la polyarthrite rhumatoïde, comme de nombreuses maladies ou infections chroniques peuvent engendrer une anémie inflammatoire, qui fait diminuer l’hématocrite.
Conclusion des scientifiques, l’action de L-histidine sur la polyarthrite rhumatoïde est très limitée, donc cet acide aminé ne peut être conseillé qu’en guise de complément au traitement de base (6). Il faut par ailleurs plus d’observations cliniques sur l’homme pour conclure sur l’effet anti-inflammatoire de cet acide aminé.
Bien choisir son histidine en gélules
Comme il a été dit, nombreux sont les aliments qui peuvent nous apporter les quantités d’histidine dont notre corps a besoin au quotidien. Des doses plus élevées, fournies par les compléments alimentaires, sont uniquement essentielles pour traiter des problèmes de santé, tels que perte tissulaire, allergie, ulcères, polyarthrite rhumatoïde, anémie, baisse de libido et hypertension artérielle.
La seule forme assimilable par l’organisme humain est la forme naturelle L-histidine. Pour une meilleure capacité d’absorption, il est parfois conseillé de prendre cet acide aminé avec du zinc. 10 mg de zinc pour une dose de 1 000 mg de L-histidine. Ce minéral augmente non seulement son assimilation, mais en plus décuple son action. Donc, les compléments alimentaires combinant ces deux ingrédients actifs sont plus intéressants.
Histidine : Quelle est la dose efficace ?
Les gélules de L-histidine sont disponibles dans des doses de 200, 300, 500 et 600 mg, à choisir selon la prescription des thérapeutes. Aucun effet secondaire grave n’a été jusque-là signalé. La prise de cet acide aminé même à une dose unique de 20 000 mg n’a causé aucun problème de santé majeur. Quelques rares effets indésirables tels que somnolence, étourdissement, et baisse de la tension artérielle ne sont pas à exclure.
Les doses à prendre dépendront de la maladie à traiter :
– Pour compléter les apports journaliers fournis par l’alimentation, une dose de 1 000 ou 2 000 mg par jour suffit.
– Pour prévenir les maladies cardiovasculaires et baisser la tension artérielle, il est conseillé de prendre tous les jours entre 500 et 3 000 mg de cet acide aminé, variable en fonction des quantités apportées naturellement par les aliments.
– Pour traiter les allergies, il faut une dose journalière de 3 000 mg, à répartir en 3 prises, matin, midi et soir.
– En cas de polyarthrite rhumatoïde, il faut des quantités plus importantes d’environ 4 500 mg par jour.
– Se référer au dosage prescrit dans la notice pour ceux et celles qui utilisent la L-histidine en tant que stimulant sexuel.
À souligner que ces dosages sont donnés à titre informatif. Seul un professionnel de santé est apte à définir le dosage qui vous convient en fonction de votre problème de santé. Cet acide aminé est proscrit chez les femmes au moment de sa période de menstruation, et à ceux qui souffrent de troubles bipolaires et de schizophrénie. Les sujets ayant de graves problèmes d’allergie doivent prendre l’avis d’un professionnel de santé avant tout traitement. Vous ne devez pas par ailleurs prendre de complément alimentaire sans demander au préalable l’avis de votre médecin traitant.
La L-histidine interagit avec certains médicaments et vitamines. Signaler le médecin en cas de traitement à base de Warfarin.
Où trouver de la L-histidine ?
Il s’agit d’un acide aminé que l’on peut se procurer directement en pharmacie.
Références :
(1) Charles S. and al. « On the separation of Histidine and Arginine IV. The preparation of Histidine ». Journal of Biological Chemistry.1928, 78(3), p:627-635.
(2) US Institute of Medicine. « Protein and Amino acids, dietary references intake ». Washington DC, The National Academies Press, p:589-768.
(3) USDA National Nutrient Database for Standard Reference, Release 27.
(4) Tuttle KR et al. « Dietary amino acids and blood pressure: A cohort study of patients with cardiovascular disease ». Am J Kidney Dis 2012.
(5) Watanabe M et al. « Consequences of low plasma HISTIDINE in CHRONIC KIDNEY disease patients: Associations with inflammation, oxidative stress, and mortality ». The American Journal of Clinical Nutrition 2008.
(6) Pinals RS et al. « Treatment of RHEUMATOID ARTHRITIS with L-histidine: A randomized placebo controlled double-blind trial ». J Rheumatol 1977.