Dérivé de la lysine et de la méthionine, la Carnitine est surtout recommandée pour faciliter la perte de poids et augmenter les performances physiques. Que disent les scientifiques à propos de ces qualités ? Possède-t-elle d’autres propriétés médicinales ? C’est quoi l’acétyl-L-carnitine ? Découvrez les bienfaits de cet acide aminé sur la santé d’après la science. Ce résumé d’études ne peut pas remplacer l’avis d’un médecin ou d’un praticien de santé.
Sommaire
Ingrédient très utilisé dans la fabrication de compléments alimentaires dédiés à la perte de poids et à l’amélioration de la performance physique, la carnitine fait l’objet de nombreuses controverses. Les scientifiques ne sont pas unanimes quant à ses propriétés médicinales. En 2012, les autorités sanitaires européennes à l’instar de la CE et l’EFSA, après avoir étudié certaines publications scientifiques, ont même fait une déclaration concernant certaines allégations santé, comme quoi les compléments alimentaires à base de cette molécule ne peuvent pas prétendre avoir la capacité à diminuer le taux de cholestérol, favoriser la perte de poids, renforcer les os, et optimiser les capacités physiques de résistance et d’endurance.
Basé sur des études scientifiques notables, ce billet présente les véritables propriétés médicinales de ce composé chimique.
Présentation de la carnitine
Structure physico-chimique
Souvent classée à tort parmi les acides aminés, la carnitine est en fait un dérivé d’acide d’aminé biosynthétisé à partir de la méthionine et de la lysine. Son lieu de fabrication dans l’organisme est le foie et les reins. Autrement dit, notre corps est capable de synthétiser lui-même cette substance. Certains des aliments que nous consommons au quotidien en apportent également à des teneurs ultra variées.
Dans des cas rares cependant, il peut y avoir des problèmes de carence. On cite par exemple, chez les nouveau-nés prématurés et les sujets qui ont des troubles génétiques ou médicaux ne pouvant plus produire suffisamment cette substance. Les suppléments en carnitine deviennent alors indispensables.
Connue aussi sous la dénomination chimique acide β-hydroxy-γ-N-triméthylaminobutyrique, 3-hydroxy-4-N, N,N-triméthylaminobutyrate, la carnitine comprend dans sa structure chimique un groupement ammonium quarternaire. Il s’agit d’une fonction dotée d’au moins une chaine hydrocarbonée à caractère hydrophobe fixée à un atome d’azote chargé positivement.
Ce composé chimique présente deux stéréo-isomères :
– L-carnitine, appelée aussi Lévocarnitine, la forme naturelle synthétisée dans l’organisme humain et chez les autres êtres vivants ;
– D-carnitine, qui est non seulement biologiquement inactive, mais en plus toxique, car peut inhiber l’activité de la L-carnitine. (1)
Ses rôles biologiques
La L-carnitine assure d’importantes fonctions au sein de l’organisme, notamment dans la production d’énergie. Voici entre autres ses principaux rôles :
– Assurer le transport des acides gras du cytosol
Il s’agit du liquide dans lequel baignent les organites cytoplasmiques au sein des cellules. Les acides gras seront conduits vers les mitochondries (organites chargés de la production d’ATP dans les cellules) au moment du catabolisme des lipides. La présence de ce dérivé d’acide aminé est essentielle pour la combustion des graisses et la production d’énergie au niveau des mitochondries cellulaires.
– Garantir la stabilisation des taux d’acétyl-CoA et de coenzyme A
C’est un thioester formé par l’acide acétique et la coenzyme A. Cette coenzyme, quant à elle, est chargée du transfert des groupements acyles grâce à sa capacité unique de recevoir ou bien de donner un groupe acétyle (2).
– Optimiser l’action de l’insuline dans les cellules musculaires
Pour rappel, l’insuline est une protéine hormonale à caractère hypoglycémiant. Son rôle consiste à maintenir à son niveau normal le taux de sucre dans le sang. Elle permet sa mise en réserve dans les muscles et le foie.
Biosynthèse et métabolisme
De nombreux eucaryotes – c’est-à-dire organismes vivants multicellulaires ou unicellulaires dont les cellules se caractérisent par la présence d’un noyau et de mitochondries – sont capables de synthétiser de la carnitine. L’espèce humaine en fait partie. Dans notre organisme, la synthèse de cette substance se fait à partir du substrat dit TML (6-N-triméthyllysine). Il s’agit en fait d’un dérivé de la lysine suite à une réaction de méthylation.
Le TML est ensuite hydroxylé en HTML (hydroxytriméthyllysine) par l’enzyme triméthyllysine dioxygénase, en présence d’acide ascorbique (vitamine C) et de fer.
Le HTML est clivé après par l’enzyme HTML aldolase, et produit du TMABA (4-triméthylaminobutyraldéhyde) et de la glycine.
Le TMABA est déshydrogéné en gamma-butyrobétaïne dans une réaction dépendante de NAD+ catalysée par l’enzyme TMABA déshydrogénase.
Enfin, sous l’effet du fer dans son format Fe2+ et la vitamine C, la gamma-butyrobétaïne est hydroxylée par l’enzyme gamma-butyrobétaïne hydroxylase et produit alors de la L-carnitine.
Ses principales sources
D’après le Food and Nutrition Board (FNB) en 1989, la carnitine n’est pas un nutriment essentiel pour notre organisme puisque celui-ci est parfaitement capable de la synthétiser à partir de la lysine et de la méthionine. La quantité produite par les reins et le foie peut répondre aux besoins quotidiens. Par conséquent, aucun apport journalier minimal n’a été établi par les autorités sanitaires.
En moyenne, un adulte, qui adopte un régime alimentaire varié comprenant de la viande, consomme entre 60 et 180 mg de carnitine par jour. Un végétalien, par contre, n’en administre que 10 à 12 mg de cette substance par jour. Il convient, toutefois, de noter que même les régimes pauvres en cette substance ont très peu d’effets sur la teneur totale en carnitine dans l’organisme. En effet, les reins sont tout à fait aptes à en conserver afin de prévenir les carences.
Voici la liste des aliments les plus riches en carnitine :
– Viande de bœuf, près de 80 à 95 mg pour une portion de 100 g,
– Tempeh (produit alimentaire fabriqué à base de soja), 19,5 mg,
– Chair de poisson, 7 mg environ,
– Blanc de poulet, 3 à 7 mg,
– Lait entier, 3 à 4 mg,
– Avocat, 2 mg,
– Fromage blanc, 1,1 mg,
– Pain complet, 0,4 mg,
– Asperge, 0,2 mg.
Quels sont les effets de la carnitine sur la perte de poids ?
Cet acide aminé est-il efficace pour maigrir ?
Pendant longtemps, la carnitine a été qualifiée de « brûleur de graisses ». Nombreuses marques de compléments alimentaires vantaient même leurs produits, comme étant les meilleurs alliés pour perdre rapidement du poids pendant un programme amaigrissant. Selon les autorités sanitaires, cependant, il n’existe aucune preuve scientifique solide qui confirme ce fait. Plusieurs laboratoires ont donc dû retirer de leurs fiches produits cette allégation santé.
Une des publications scientifiques ayant parlé de l’effet de la supplémentation en L-carnitine sur le métabolisme des lipides est celle-ci. Dans cet essai clinique mené sur des rats de laboratoires, les chercheurs ont vérifié si cette molécule favorise réellement la perte de poids chez des sujets dont le régime alimentaire est faible en calories. Les 36 rats testés, avec un poids moyen de 460 g, ont été partagés en deux groupes. L’un est soumis à un régime enrichi en carnitine (5g/kg) et l’autre a servi de témoin.
À la fin du traitement qui a duré 23 jours, les contrôles effectués ont permis de constater que le régime hypocalorique a favorisé la perte de poids chez ces animaux. Cependant, l’effet de la carnitine que ce soit sur le poids, ou sur les taux de lipides sanguins (cholestérol total, acides gras et triglycérides), n’a pas été significatif. Les observateurs ont conclu que, la L-carnitine seule n’est pas efficace pour éliminer les graisses.
Cette molécule doit être combinée avec d’autres substances actives, telles que l’acide hydroxycitrique. C’est en réalité le principe actif de la garcinia cambogia. L’effet cumulatif de ces deux composés chimiques est plus important que leurs effets individuels (3).
Notons que les quelques essais cliniques menés sur les modèles animaux ne permettent pas de confirmer la réelle efficacité de ce produit sur l’homme. Il faut plus de preuves scientifiques et d’expériences sur des humains pour confirmer cet effet amaigrissant.
A-t-il des effets sur les performances physiques ?
Un nombre non négligeable de personnes se tournent également vers la L-carnitine afin d’augmenter leur performance physique et s’entraîner plus que d’habitude, pour une meilleure perte de poids. Que disent réellement les scientifiques à ce sujet ? Ce dérivé d’acide aminé pourrait-il bien servir dans l’utilisation de l’énergie lors des efforts physiques importants ?
Pas mal de scientifiques ont étudié les véritables mécanismes d’action de la carnitine sur le métabolisme, et les liens qui existent entre un taux de L-carnitine élevé dans les muscles et le plasma, et la capacité physique accrue durant les exercices. Dans cet essai clinique, à titre d’exemple, des coureurs d’endurance ont reçu pendant 6 mois, soit 1 g de cette substance par jour, soit du placebo.
Cette supplémentation a conduit à une hausse importante du taux de L-carnitine dans les tissus musculaires. Les performances des sportifs se sont par ailleurs améliorées, avec une hausse de 11 % en moyenne. Dans un autre groupe expérimenté, par contre, la dose utilisée a été de 2 g par jour, prise pendant 3 mois. Les résultats des analyses n’ont montré aucune hausse du taux de L-carnitine.
Les observateurs ont conclu que la L-carnitine ne peut être efficace pour décupler les capacités physiques à l’effort que sur une longue période. Il faut au moins 6 mois de supplémentation en cette molécule pour pouvoir observer les premiers résultats. Ces derniers peuvent varier d’un individu à un autre, car notre organisme ne réagit pas de la même manière (4).
Quelles sont les propriétés médicinales de la carnitine ?
Cet acide aminé présente-t-il une efficacité contre le diabète de type 2 ?
Comme nous le savons, le diabète est toujours associé à une résistance à l’insuline. Pour rappel, c’est une protéine hormonale hypoglycémiante produite par le pancréas, dont le rôle est de permettre la mise en réserve du sucre présent dans le sang dans le foie et les muscles. Il y a cette insulinorésistance, lorsque les cellules musculaires et hépatiques résistent à cette hormone, et donc le glucose ne peut plus y entrer. Ce qui entraîne une hyperglycémie, ou augmentation du taux de sucre sanguin.
Les observateurs ont remarqué que ce problème de résistance à l’insuline est lié à une accumulation de triglycérides dans les cellules due à une réduction du flux d’acides gras. Or, comme il a été mentionné précédemment, la L-carnitine joue un rôle important dans le métabolisme des lipides en assurant le transport des acides gras à longue chaîne vers les mitochondries. En se basant sur cette hypothèse, des scientifiques ont favorisé une hypercarnitinémie chez des sujets diabétiques et en bonne santé, afin de voir l’effet de cette substance sur l’absorption du sucre.
Au cours de cette expérience, une dose de carnitine allant de 3,8 à 5,2 mg/kg/mn a été administrée chez les individus testés. Les scientifiques ont remarqué que ces doses ont pu augmenter l’absorption du glucose dans les cellules musculaires et hépatiques. La L-carnitine à forte dose a pu améliorer la sensibilité de ces tissus à l’insuline (5). Il faut plus d’études cliniques toutefois avant de confirmer cette propriété. Le manque d’essais cliniques sur l’homme ne nous permet pas de conclure sur quoi que ce soit.
Possède-t-il une propriété anti-inflammatoire ?
Certains scientifiques ont aussi mis en évidence l’effet anti-inflammatoire de la L-carnitine. Dans cette publication de 2010, par exemple, les auteurs ont parlé de son efficacité chez un groupe de patients hémodyalisés présentant une hyperlipoprotéinémie. Ceci se traduit par un taux anormalement élevé de particules de lipides dans le sang. Parmi les complications fréquentes de l’hémodyalise, en effet, il y a entre autres l’inflammation, l’accumulation de lipoprotéines et le stress oxydatif.
L’échantillon testé comprenait 36 patients adultes, dont 23 hommes et 13 femmes. Ces derniers ont été classés, par hasard, en deux groupes, dont le premier a reçu 1 000 mg/j de L-carnitine par voie orale pendant 12 semaines et le second des placebos. Au début et à la fin du traitement, juste après 12 à 14 heures qui suivent l’administration de L-canitine, chaque patient a subi une analyse sanguine. Les examens ont révélé une hausse du taux sérique de carnitine (de plus 86 %), et une baisse significative du niveau de protéine C-réactive (CRP) chez le premier groupe. C’est le foie et les tissus adipeux qui synthétisent cette protéine, lorsqu’il y a une réaction inflammatoire au sein de l’organisme. Elle peut servir de marqueur biologique en cas d’inflammation.
Conclusion, ce dérivé d’acide aminé a réduit l’inflammation, mais n’a eu cependant aucun effet sur l’hyperlipoprotéinémie et le stress oxydatif (6). Ces quelques essais cliniques ne sont pas toutefois suffisants pour conclure sur l’effet anti-inflammatoire de cet acide aminé. D’autres études sur l’homme doivent être menées avant de confirmer quoi que ce soit.
Quels sont ses bienfaits sur la fertilité masculine ?
Une autre propriété médicinale de la carnitine, souvent discutée par les scientifiques, est sa capacité à améliorer la fertilité masculine. Voici une des publications notables ayant mis en avant cette qualité thérapeutique. L’expérience a été menée sur un échantillon d’hommes adultes infertiles, âgés de 20 à 40 ans. La stérilité de ces hommes a été liée à une mauvaise qualité de leurs spermes (faible motilité et/ou quantité insuffisante de spermatozoïdes, présence d’anomalie, etc.).
Le déroulement de l’expérience se présente comme suit : 2 mois de traitement à base de 2 g/j de L-carnitine ou de placebo, 2 mois de pause, 2 mois de traitement et 2 mois de pause. Des contrôles réguliers ont été effectués afin d’évaluer la qualité de leurs spermes. Les résultats des examens ont montré une amélioration de la motilité et du nombre de spermatozoïdes chez les sujets soumis à la L-carnitine (7). D’autres essais cliniques demeurent toutefois nécessaires avant de confirmer cette qualité thérapeutique.
L-carnitine vs Acétyl-L-carnitine
La L-carnitine et l’acétyl-L-carnitine, appelé aussi acétylcarnitine, sont deux molécules totalement différentes et qui possèdent leurs propres propriétés médicinales. Ce dernier est, en effet, la forme acétylée de la carnitine.
L’acétyl-L-carnitine est plus recommandé pour traiter les problèmes touchant le système nerveux. Des publications scientifiques ont, par exemple, souligné ses intérêts dans le traitement de la maladie de Parkinson. En effet, cette molécule est non seulement dotée d’un pouvoir antioxydant, mais capable en plus de traverser la barrière hématoencéphalique du cerveau. Son effet sur la fertilité masculine et la réponse à l’insuline est plutôt moindre (8). Ces propriétés médicinales doivent être toutefois mises en évidence dans d’autres essais cliniques menés sur l’homme. Ces quelques études ne suffisent pas pour émettre une conclusion.
Bien choisir sa L-carnitine en gélules
Les compléments de L-carnitine vendus sur le marché sont surtout destinés aux passionnés de musculation. Mais cela ne nous empêche pas d’en prendre également pour profiter de ses bienfaits médicinaux.
Ce dérivé d’acide aminé est présenté dans deux formes galéniques, en poudre et gélule. Les gélules sont conseillées pour leur facilité d’utilisation. Leur enveloppe pourra masquer l’odeur de cette substance, quelque peu désagréable.
Choisir des compléments avec une teneur élevée en L-carnitine, car les posologies indiquées sont élevées. Vérifier que le complément ne renferme pas d’additifs chimiques et respecte les normes de qualité en vigueur.
L-carnitine : Quelle est la posologie efficace ?
Le dosage de L-carnitine à prendre au quotidien est de 2 à 4 g, à répartir au cours des trois principaux repas. Au-delà de ces doses, quelques effets indésirables peuvent se manifester, tels que des troubles digestifs, des nausées et des vomissements. Chez certains sujets, on a constaté une odeur désagréable de poisson qui se dégage de leur peau. Sachez que seul un professionnel de santé est apte à vous conseiller sur le dosage efficace et sans risque d’effets secondaires.
Ce supplément est contre-indiqué aux femmes enceintes et allaitantes, enfants et sujets souffrant de maladie d’Alzheimer. Il peut causer chez ces derniers des agitations. Pour ceux qui prennent des médicaments, il leur est conseillé de prendre l’avis d’un médecin avant de consommer de la L-carnitine. Celle-ci peut en effet interagir avec d’autres principes actifs. Il est important de souligner que la prise d’un supplément alimentaire exige une surveillance médicale.
Références
(1)Harmeyer J. « Le rôle physiologique de la L-carnitine ». Informations Lohmann.
(2) Karlic H et al. « La supplémentation en L-carnitine chez les sportifs: cela a-t-il un sens? ». Nutrition juillet 2004, 20 (7-8): 709-715.
(3) Brandsch C et al. « Effet de la L-carnitine sur la perte de poids et la composition corporelle des rats nourris avec un régime hypocalorique ». Ann Nutr Metab 2002.
(4) Roger Fielding et al. « Supplémentation en L-carnitine dans la récupération après l’exercice ». Nutriments 2018 26 avril; 10 (5): 541.
(5) Mingrone G et al. « Carnitine dans le diabète de type 2 ». Acad Sci. 2004.
(6) Shakeri A et al. « Effets de la supplémentation en L-carnitine sur les cytokines inflammatoires sériques, la protéine C-réactive, la lipoprotéine et le stress oxydatif chez les patients hémodyalisis atteints d’hyperlipoprotéinémie Lp ». Hémodial Int 2010.
(7) Lenzi A et al. « Utilisation de la thérapie à la carnitine dans certains cas d’infertilité masculine: un essai croisé en double aveugle ». Fertil Steril, 2003.
(8) M. Flint Beal. « Approches bioénergétiques pour la neuroprotection dans la maladie de Parkinson ». Annals of Neurology, vol 53, n ° Suppl 3, 2003, S39-S48.