Non essentiel à l’organisme, l’Asparagine fait partie des acides aminés les plus abondants fournis par la nature et les aliments que nous consommons. Quels sont ses bienfaits pour la santé ? Quels sont les dangers liés à sa consommation ? Comment choisir son complément ? Trouvez dans ce dossier tout ce qu’il faut savoir sur cet acide aminé et ses propriétés médicinales d’après la science. Soulignons que ceci est un simple résumé d’études et non un avis médical.
Sommaire
L’asparagine est un des acides aminés non essentiels les plus répandus dans la nature, disponible en grande quantité aussi bien dans la règne végétale qu’animale. Chez l’Homme, sa teneur représente près de 3 % du taux total d’acides aminés de l’organisme. Nous sommes particulièrement exposés à cet acide aminé. Celui-ci résulte en fait de la dégradation de l’aspartame, le fameux édulcorant qui compose nos boissons et aliments, suite à l’amidification de son carboxyle terminal. Cet acide α-aminé – dont l’énantiomère L-asparagine est un acide aminé protéinogène – peut être trouvé à l’état libre ou bien combiné à des protéines. Il est codé génétiquement par les codons AAC et AAU sur les ARN messagers. Certaines publications parlent de son implication dans le développement d’un cancer, des seins en particulier. Que faut-il donc réellement penser de cet acide aminé ?
Présentation de l’asparagine
Propriétés physiques et chimiques
Historiquement parlant, l’asparagine dont le nom est tiré du mot « asperge » est le premier acide aminé identifié par l’Humanité. Sa découverte et sa première isolation remontent au début des années 1800, en 1806 pour être plus précis. À cette époque, le chimiste français Louis-Nicolas Vauquelin et son jeune assistant, Pierre Jean Robiquet, menaient des expériences sur le jus de cette plante potagère. Trois ans après cette première découverte, Robiquet a détecté le même composé, mais cette fois-ci dans la réglisse. C’est Plisson qui donnera ce nom en 1828. (2)
L’asparagine est connue sous les deux abréviations N et Asn, ou son nom UICPA acide 2,4-diamino-4-oxobutanoïque. Sa formule chimique est C4 H8 N2 O3 et sa masse molaire, 132,12 g/mol. C’est un dérivé bêta-amide de l’acide aspartique ou aspartate, un autre acide aminé non essentiel.
En tant qu’acide α-aminé, ce composé chimique comprend dans sa structure un groupe α-aminé (–NH2+), au niveau de la forme protonée –NH3+ et un groupe α-carboxylique (–COOH) dans la forme déprotonée –COO. Des échanges de protons peuvent s’opérer en fonction des conditions physiologiques dans lesquelles se trouve cet acide aminé. Deux carbones composent son radical, dont au niveau de la terminaison se trouve la fonction carboxyle amidifiée d’une molécule d’ammoniaque. C’est pourquoi sa chaine latérale est dite carboxamide, et est classée faiblement polaire en milieu à pH neutre. Cette faible polarité s’explique par les liaisons hydrogènes qui entourent la liaison amide.
Rôles physiologiques
Au sein de l’organisme, le principal rôle de l’asparigine est de contribuer au développement et au bon fonctionnement du cerveau. Des expériences scientifiques ont parlé des effets d’une carence chez des chiennes allaitantes et leurs petits. Un régime pauvre ou totalement dépourvu de cet acide aminé administré chez la mère a eu des conséquences négatives sur le développement du cerveau des chiots expérimentés, dont retard et faible quantité de myéline. Rappelons au passage que la myéline est une substance médullaire chargée de la protection des fibres nerveuses. (3)
Il est également impliqué dans la constitution des tissus musculaires, et dans l’équilibre du système nerveux. Cet acide aminé intervient, par ailleurs, dans le métabolisme de l’ammoniaque. Il entre aussi dans l’acheminement de cette substance chimique toxique vers les voies urinaires, en agissant comme un diurétique. (4)
Biosynthèse
Comme l’asparagine fait partie des acides aminés non essentiels, notre organisme est donc capable d’en synthétiser grâce à l’intervention de diverses intermédiaires métaboliques. Son précurseur étant l’oxaloacétate.
Sous l’effet d’une enzyme transaminase, l’oxaloacétate est converti en aspartate. Lors de cette réaction métabolique, l’enzyme transfère le groupe aminé du glutamate à l’oxaloacétate et donne naissance à l’aspartate et l’α-cétoglutarate. L’aspartate, à son tour, sous l’effet de l’enzyme asparagine synthétase produit de l’asparagine, du glutamate, de l’AMP et du pyrophosphate. Au cours de cette réaction, l’aspartate est activé non seulement sous l’action de cette enzyme, mais également sous celles de l’ATP et de la glutamine. En l’activant, l’ATP libère un métabolite dit β-aspartyl-AMP. Ce dernier va réagir avec le groupement ammonium offert par la glutamine, produisant ainsi de l’asparagine et de l’AMP.
Une fois synthétisée par l’organisme, l’asparagine est répartie dans différentes parties du corps. On le trouve notamment au niveau des tissus (muscle, peau, muqueuse), des organes (prostate), des fluides (salive, lait maternel, liquide céphalo-rachidien, sang, urine, sueur), et des cellules (cytoplasme, membrane, mitochondrie).
Dégradation et toxicité
L’asparagine fait partie des acides aminés, qui lorsqu’ils sont soumis à l’action des sucres réducteurs et celle d’une haute température (>120°C), subissent la réaction de Maillard, ou le phénomène de glycation. Cette réaction chimique dangereuse, qui se produit notamment au moment de la cuisson (friture ou rôtissage d’un aliment riche en protéines et en sucres par exemple), conduit à la formation de composés organiques toxiques. Il s’agit des AGEs (Advanced Glycation End products, ou composés néoformés indésirables en français). Parmi ceux-ci, il y a l’acrylamide, connu aussi sous d’autres appellations comme amide acrylique ou 2-propénamide. On cite aussi le furane, les hydrocarbures polycycliques aromatiques, et bien d’autres glycotoxines à caractère CMR. Autrement dit, ils sont à la fois Cancérigènes, Mutagènes et Reprotoxiques. (5)
Principales sources
La plupart des aliments, qu’ils soient d’origine végétale ou animale, contiennent de l’asparagine, mais à des concentrations variables toutefois. Dans certaines situations, telles qu’en cas de maladies ou de carences nutritionnelles, les apports journaliers peuvent ne pas suffire. D’où l’intérêt de prendre des compléments alimentaires. Dans certains pays comme le Japon par exemple, la prise de L-asparagine en supplément est très courante. D’ailleurs, on répertorie cet acide aminé en tant qu’additifs alimentaires.
Voici une liste non exhaustive des aliments les plus riches en asparagine :
– Pomme de terre, 940 mg/kg ;
– Viande et fruits de mer, environ 400 mg/kg. Les abats, les poissons et les œufs sont pauvres en asparagine et moins concernés par le phénomène de glycation ;
– Amandes, 340 mg/kg ;
– Blé et autres céréales, surtout le seigle, environ 173 mg/kg ;
– Chicorée et café soluble, 120 mg/kg.
L’asperge, le légume à partir duquel on a isolé pour la première fois cet acide aminé, présente une teneur peu élevée contrairement à ce que pense la majorité. Sa concentration en asparagine ne dépasse pas les 26 mg/kg.
Ces aliments concentrés en asparagine ne sont pas néfastes à la santé tant que la barre des 120°C au moment de la cuisson n’est pas dépassée.
Quels sont les bienfaits de l’asparagine selon la science ?
Un acide aminé capable de renforcer la résistance à la fatigue physique ?
L’asparagine est un des alliés des sportifs lors de leurs entrainements physiques intenses, afin de mieux résister à la fatigue. La capacité de cet acide aminé à augmenter l’endurance s’explique par son intervention dans la production d’énergie.
Cette expérience scientifique fait partie des études qui ont essayé d’identifier les véritables actions de cet acide aminé dans le maintien de la résistance physique. Le test a été mené sur 32 rats de laboratoires soumis à des exercices de natation intense, entrainant un épuisement total de ces animaux. On a départagé ces rats en deux groupes, dont le premier a pris pendant 7 jours une certaine dose d’asparagine combinée à de l’aspartate. Le second groupe a juste pris de l’eau distillée, pendant la même durée de traitement.
À la fin de ce laps de temps, ces animaux ont été départagés en sous-groupes, et ont été tués soit au repos, soit juste après un autre exercice de natation intense. Les résultats ont montré que les rats épuisés ayant pris les suppléments d’acides aminés ont été plus endurants. On a noté 13,82 minutes de résistance physique par rapport au groupe placebo. La concentration d’acide lactique (responsable des courbatures) dans leurs muscles est relativement faible. On n’a remarqué, par contre, aucune différence significative entre les concentrations de glycogène musculaire ou hépatique, de glucose sanguin, de lactate et de glutamine chez les groupes de rats tués au repos, soumis à l’asparagine ou non.
Les scientifiques ont conclu que le complément d’asparagine et d’aspartate augmente la contribution du métabolisme oxydatif dans la production d’énergie et retarde ainsi l’épuisement du glycogène dans le foie. Ce qui permet de tenir encore 20 mn de plus avant épuisement. (6)
Les quelques essais cliniques menés sur les modèles animaux ne permettent pas de confirmer la réelle efficacité de ce produit sur l’homme. Il faut plus de preuves scientifiques et d’expériences sur des humains pour confirmer cette propriété.
Son utilisation permet-elle d’améliorer la sensibilité à l’insuline ?
D’après certaines publications scientifiques, l’asparagine en complément à l’alimentation pourrait aussi améliorer la sensibilité à l’insuline. En d’autres termes, cet acide aminé est un nouvel allié à ceux qui ont des problèmes de résistance à l’insuline, notamment les diabétiques.
Au cours de cet essai clinique, des suppléments d’asparagine et d’aspartate ont été administrés avec trois différentes concentrations de glycogène chez des rats de laboratoires préalablement nourris. Après la prise de ces acides aminés, il a été remarqué chez ces animaux une augmentation du glycogène musculaire et une baisse de l’absorption de 2-désoxyglucose lorsque la concentration d’insuline est maximale. Le 2-désoxyglucose est un analogue du glucose utilisé in vitro pour mesurer la vitesse de transport du glucose vers les muscles. Cependant, quand les rats sont nourris au saindoux pendant 3 jours en plus des suppléments en asparagine et que leurs concentrations en glycogène étaient moyennement élevées, le taux d’absorption de glucose s’est accru et leur niveau d’insuline était minimal.
Les chercheurs ont émis comme conclusion que, l’ajout d’asparagine et d’aspartate à un régime alimentaire riche en acides aminés peut modifier la réactivité et la sensibilité à l’insuline. Il est important de savoir que les muscles grâce à l’aide de l’insuline stockent une grande partie du glucose apporté par les aliments. En cas d’insulinorésistance, cette capacité à stocker le glucose est perturbée et donc, le taux de glycémie dans le sang s’élève. (7) Cette propriété doit toutefois être encore mise en évidence chez l’homme.
Les résultats de ces études sont très prometteurs. Toutefois, des études complémentaires sur des humains sont essentielles avant de conclure sur l’effet de l’asparagine sur l’insuline.
Quels sont les méfaits de l’asparagine ?
Normalement, notre apport journalier en asparagine suffit largement pour garantir le bon fonctionnement des différents processus de l’organisme. Les carences en cet acide aminé sont très rares. Les problèmes se posent surtout lorsqu’il y a un surdosage. Certaines publications scientifiques ont souligné les effets néfastes de la consommation de cet acide aminé à forte dose en cas de cancers par exemple, ou autres maladies. Voici quelques-uns des méfaits connus.
Accentuer les symptômes du paludisme
Les scientifiques l’ont confirmé, un régime enrichi en asparagine risque de fortifier le plasmodium. Il s’agit du protozoaire parasite responsable du paludisme chez l’Homme, qui est transmis par l’anophèle femelle ou par une transfusion de sang contaminé. Par conséquent, accentuer les symptômes de cette maladie.
Cette revue scientifique récente a démontré dans ses grandes lignes que les protéines du plasmodium sont remarquablement riches en asparagine. Pour survivre, ce protozoaire dépend essentiellement de cet acide aminé. Au cours d’un essai clinique, mené sur des souris atteintes de paludisme, les chercheurs ont essayé de bloquer la synthèse de cet acide aminé en administrant chez ces animaux de l’asparaginase. L’administration de cette enzyme a permis de ralentir le cycle de vie de ce parasite et l’empêcher d’atteindre le foie. Rappelons que le plasmodium, une fois injecté dans le sang, migre vers le foie. Il pénètre dans les hépatocytes en seulement une demi-heure, où ils se divisent et se multiplient.
Les scientifiques ont conclu que limiter la synthèse de l’asparagine est une solution efficace pour traiter le paludisme, qui fait près de 0,6 millions de décès chaque année. La multiplication de cette maladie est devenue, en effet, une énorme préoccupation en ce moment. C’est du fait de l’augmentation de la résistance aux dérivés d’Artemisin et autres susbtances médicamenteuses, telles que Mefloquine, Amodiaquine et Piperaquine. (8)
Favoriser la multiplication des cellules cancéreuses
Pas mal de publications scientifiques ont aussi souligné l’effet de l’asparagine sur les cellules cancéreuses. D’après leurs constatations, cet acide aminé est impliqué dans la prolifération de ces cellules malades. En effet, un de ses nombreux rôles dans l’organisme est de réguler l’activité des complexes TOR. Il s’agit des protéines qui sont chargées de la croissance (augmentation en masse) et la multiplication cellulaire (augmentation en nombre). Ce n’est pas tout ; des expériences menées sur des cellules cancéreuses ont permis de remarquer que ce composé chimique est aussi un régulateur de l’homéostasie des acides aminés de ces cellules cancéreuses.
Au cours de cette expérience menée sur des cellules cancéreuses de la moelle osseuse (leucémie), les chercheurs ont essayé de bloquer la synthèse d’asparagine en augmentant le niveau d’asparaginase. Les résultats ont montré que certaines cellules cancéreuses ont cessé de se multiplier, notamment celles à faible asparagine synthétase. Par contre, celles qui peuvent synthétiser de l’asparagine de novo ont pu résister à l’effet de l’asparaginase. (9)
Bien choisir son asparagine en gélules
Comme il a été souligné précédemment, notre apport quotidien en asparagine devrait suffire pour le bon fonctionnement de tous les processus biologiques de notre corps. Il se peut, cependant, pour différentes raisons telles que maladie, stress, fatigue intense, vieillissement ou incapacité à sécréter des enzymes digestives ; notre organisme n’arrive plus à décomposer les protéines en acides aminés et les assimiler correctement. Alors là, il est impératif de recourir au supplément d’asparagine. La carence se traduit par la baisse du système immunitaire, une fatigue prolongée, des sévères allergies, une dépression nerveuse, ou des maladies auto-immunes.
Il faut impérativement demander l’avis d’un médecin ou d’un spécialiste avant d’entamer tout traitement. La prise de suppléments en asparagine n’a causé d’effets secondaires importants jusque-là. Le respect des doses prescrites est aussi de rigueur, même si on n’a signalé aucun cas de surdosage.
Les suppléments d’asparagine se présentent, soit sous forme de poudre, ou bien de capsules ou gélule plus facile à administrer. L’acide aminé doit être présenté sous son énantiomère L-, le seul étant assimilable par l’organisme. Il peut être, par ailleurs, combiné à d’autres acides aminés, ou pur sous une forme monohydrate (avec une molécule d’eau) ou anhydre (sans eau).
Asparagine : Quelle est la posologie efficace ?
Encore très peu d’études scientifiques ont parlé de la prise de l’asparagine en tant que complément à l’alimentation. D’ailleurs, l’apport journalier indispensable pour l’organisme n’a pas été défini, puisque cet acide aminé est non essentiel.
Les spécialistes et les fabricants recommandent un dosage de 1 500 mg par jour, soit une cuillerée à café de ce complément en poudre. Bien que ce supplément soit bénéfique aux femmes enceintes et allaitantes, il reste toujours prudent de consulter préalablement un médecin. Attention, une supervision médicale est nécessaire si vous comptez prendre des compléments alimentaires.
Références
(1) Lewis RJ. Hawley’s Condensed Chemical Dictionary. 2001, 14 ème édition, NY Van Nostrand Reinhold Co., p: 95.
(2) Harvey Wicked Felter, MD and John Uri Lloyd. « Glycyrrhiza » King’s American Dispensatory 1898. Henriette’s Herbal Homepage.
(3) Newburg DS, Fillios LC; Dev Neuroscience 1982- 5, p: 332-344.
(4) Ruzzo EK and al. « Deficiency of Aspargine synthetase causes congenital microcephaly and a progressive form of encephalopathy ». Neuron. 80(2): 429–41.
(5) Lewis, R.J. Sr. « Sax’s Dangerous Properties of Industrial Materials. 11th Edition. Wiley-Interscience, Wiley & Sons, Inc. Hoboken, NJ. 2004., p. 310.
(6) Marquezi ML and al. « Effect of aspartate and asparagine supplementation on fatigue determinants in intense exercise ». Int J Sport Nutr Exerc Metab 2003 March, 13(1):65-75.
(7) Lancha AH Jr and al. « The effect of 5 days of aspartate and asparagine supplementation on glucose transport activity in rat muscle ». Cell Biochem Funct. 2009.
(8) Viswanathan A and al. « Asparagine requirement in Plasmodium berghei as a target to prevent malaria transmission and liver infections » Nat commun.2015;6:8775.
(9) Abigail S.Krall and al. « Asparagine promotes cancer cell proliferation through use as an amino acid exchange factor ». Nat commun, 2016;7:11457.