L’acide aspartique ou aspartate est un acide aminé non essentiel produit à des quantités élevées par l’organisme. Quels sont ses rôles biologiques ? Quelles sont ses propriétés médicinales ? Existe-t-il des dangers liés à sa consommation ? Comment la prendre en tant que complément ? Trouvez les réponses à ces questions dans cet article. Notons toutefois que ces informations ne sont qu’à titre informatif et ne doivent pas être confondues à un conseil médical.
Sommaire
Métabolite du cycle de l’urée, l’acide aspartique ou l’aspartate est un acide α-aminé non essentiel pour l’être humain et la majorité des autres mammifères. Ce composé est produit en quantité suffisante par notre corps et d’ailleurs apporté à des doses élevées par les aliments. Pas moins de 40 % des métabolites issus de la dégradation de l’aspartame sont composés d’acides aspartiques. Pour rappel, c’est un édulcorant non-calorique ayant un pouvoir sucrant utilisé dans l’industrie alimentaire.
Cet acide aminé assure des rôles biologiques importants, dont les plus importants sont son intervention dans la constitution des protéines et dans la gluconéogenèse. Génétiquement, il est encodé par les codons GAU et GAC. Certaines publications scientifiques parlent des effets bénéfiques d’une supplémentation en acide aspartique, alors que d’autres avancent ses effets indésirables. Que faut-il penser de cet acide aminé ? Les réponses dans ce dossier.
Présentation de l’acide aspartique
Propriétés physiques et chimiques
L’acide aspartique, aussi connu par les abréviations scientifiques Asp, D et le nom UICPA Acide (2S)-2-aminobutanedioïque, fut découvert en 1827 par le scientifique Auguste-Arthur Plisson. Son nom a été tiré de la substance à partir de laquelle il a été isolé, à savoir l’asparagine. Il s’agit d’un autre acide aminé qui lui-même a été identifié dans le jus d’asperge en 1806. (1)
Cet acide aminé a pour formule chimique brute C4 H7 N O4, et masse molaire 133,1027g/mol. À l’instar de ses compères, il possède dans sa structure un groupe carboxyle –COOH et un groupe amine –NH2. Ce qui le différencie, cependant, c’est la présence d’une autre fonction carboxyle. Cette dernière lui donne un point isoéléctrique de 2,77 au sommet de sa chaîne latérale. Ce qui fait de celui-ci un acide aminé dicarboxylique, et l’élément le plus acide dans les protéines. Ce deuxième groupe –COOH prend une forme anionique –COO- en milieu à pH physiologique, et son groupe amine sous la forme protonée -NH3+.
Ses deux énantiomères sont l’acide L ou S(+)-aspartique, visible naturellement dans l’organisme des mammifères et l’acide D ou R(-)-aspartique.
Synthèse et métabolisme
L’aspartate est produit à une quantité élevée dans l’organisme humain à partir de l’oxaloacétate, par une réaction de transamination qui fait intervenir l’enzyme aminotransférase. Au cours de cette biosynthèse, il y a transfert d’un groupe amine en provenance d’un autre acide aminé tel que la glutamine ou l’alanine pour former de l’aspartate et de l’alpha-cétoacide. (2)
L’acide aspartique peut être également synthétisé chimiquement à partir d’un composé, dit phtalimidomalonate de diéthyle et de sodium. La forme obtenue à partir de cette technique n’est pas cependant l’énantiomère (L) naturellement visible dans l’organisme. Mais la forme racémique acide DL-aspartique, qui malheureusement ne possède qu’un nombre limité de fonctions biologiques. Les nouvelles méthodes adoptées en biotechnologie qui utilisent des enzymes immobilisées permettent désormais de produire l’une des deux énantiomères.
Côté métabolisme et dégradation, la conversion de l’aspartate en d’autres acides aminés commence par sa réduction en semialdéhyde. Ensuite par une réaction de transamidation, cet acide aminé se transforme en asparagine.
Fonctions physiologiques
L’acide L-aspartique joue de nombreux rôles dans l’organisme dont voici les plus importants :
– Il entre en jeu dans la gluconéogenèse. C’est un ensemble de réactions biochimiques permettant de produire de glucose et de maintenir son taux à un niveau normal dans le sang, à partir d’un composé non glucidique. L’aspartate intervient dans cette voie métabolique en assurant le transfert de son groupement amine à l’α-cétoglutarate. Cette réaction aboutit à la formation de l’oxaloacétate, qui sera converti en phosphoénolopyruvate. Puis, la voie de la néoglucogenèse emprunte celle de la glycolyse dans son sens opposé. L’α-cétoglutarate, de son côté, se transforme en L-glutamate.
– Il participe dans le cycle de Krebs, ou cycle de l’acide citrique, en étant le précurseur direct de l’oxaloacétate. C’est le premier substrat qui met en route ce processus biologique important.
– Il intervient aussi dans la biosynthèse de pyrimidines. Ce sont des molécules azotées hétérocycliques aromatiques essentielles dans la formation de nucléotides pyrimidiques, les constituants fondamentaux des molécules d’ADN et d’ARN.
– Il possède aussi une fonction de neurotransmetteur, en activant les récepteurs ionotropes NMDA. Cette stimulation permet d’une part l’entrée facile des molécules aux cations monovalentes comme le potassium et le sodium, ainsi qu’au calcium dans les neurones. Et d’autre part à la production de la gonadolibérine (GnRH), l’hormone sécrétée par l’hypothalamus responsable de la production de LH et FSH par l’hypophyse.
– Son dernier rôle, qui n’est pas le moindre, est son intervention dans le cycle de l’urée ou cycle de l’ornithine qui se produit dans le foie. Rappelons au passage que cette voie métabolique conduit à la formation de l’urée à partir de l’ammoniac, une molécule neurotoxique.
Principales sources
Comme il a été dit précédemment, l’acide aspartique est produit à des quantités suffisantes par l’organisme. Donc il n’est pas nécessaire de se préoccuper d’une éventuelle carence. Des apports supplémentaires peuvent toutefois être essentiels chez certains sujets, tels que les sportifs de haut niveau par exemple.
À part les compléments alimentaires qui sont des excellentes sources d’aspartate, la plupart des aliments que nous consommons au quotidien en apportent à des teneurs élevées. Voici en quelques lignes les plus gros apporteurs d’acide aspartique. Pour chaque portion de 100 g :
– Chou cru 6 843 mg d’aspartate ;
– Soja 6 037 mg ;
– Spiruline 5 793 mg ;
– Blanc d’œuf 5 084 mg ;
– Asperge cru 5 079 mg ;
– Poisson (tilapia, thon, …) 4 798 mg ;
– Pousse de bambou 4 784 mg ;
– Lentilles 3 102 mg ;
– Veau 3 082 mg ;
– Poulet 3 021 mg ;
– Agneau 2 965 mg ;
– Haricots rouges 2 948 mg.
Quels sont les bienfaits de l’acide aspartique ?
Cet acide aminé améliore-t-il la mémoire et la fonction neuronale ?
L’acide aspartique est présent naturellement dans les systèmes neuroendocriniens chez les mammifères. Dans cette étude réalisée sur des rats de laboratoires, les chercheurs ont essayé d’observer les effets d’une dose supplémentaire de cet acide aminé sur la mémoire et la fonction neuronale de ces rongeurs.
Pendant 12 à 16 jours, ces individus testés ont reçu par voie orale 40mM d’acide D-aspartique comme complément alimentaire, du D-aspartate de sodium plus précisément. Pour évaluer leur mémoire, les rats sont soumis à des tests comportementaux, dont le test labyrinthe de Morris Maze, tous les jours à raison de deux séances à chaque fois.
Par rapport au groupe témoin, les rats ayant administré de l’acide D-aspartique ont eu plus de facilité à réussir leurs épreuves. 20 rats sélectionnés au hasard avec des concentrations endogènes élevées en aspartate au niveau de l’hippocampe (partie du cerveau située dans le lobe temporal) étaient beaucoup plus rapides à atteindre les objectifs. Selon la même étude, une dose journalière de 60 mg par jour, soit l’équivalent de 0,19 mg/g/j de cet acide aminé n’a entraîné aucun effet secondaire.
Les scientifiques ont conclu que l’aspartate joue un rôle important dans l’amélioration de l’apprentissage et de la mémoire (3). Ces quelques études menées sur des animaux de laboratoires ne sont pas toutefois suffisantes pour conclure sur l’efficacité de cet acide aminé sur la mémoire. Il faut d’autres études sur l’homme avant de confirmer cette propriété.
Est-il apte à améliorer la fertilité masculine ?
Une des vertus thérapeutiques les plus connues de l’aspartate est d’améliorer la fertilité des hommes, du fait de son action stimulatrice de testostérone. Cette hormone stéroïdienne, rappelons-le, joue un rôle très important dans la production et la maturation des spermatozoïdes chez la gent masculine. La baisse de testostérone peut être due soit à une insuffisance de fonctionnement des testicules. Soit à un dérèglement de la fonction de l’hypothalamus, la partie du cerveau qui gère sa synthèse.
Dans cette expérience, les scientifiques ont étudié l’impact de l’acide D-aspartique en supplément à l’alimentation chez des patients ayant des problèmes de fertilité. Les groupes testés comprenaient 30 hommes adultes souffrant d’oligo-asthénozoospermie (nombre réduit de spermatozoïdes et très faible motilité) et 30 autres ayant des problèmes d’asthénozoospermie (faible motilité des spermatozoïdes). Pendant 90 jours, ces hommes ont reçu par voie orale 2,66 g d’acide D-aspartique, en complément à leurs régimes alimentaires habituels.
Résultats, on a noté des améliorations significatives sur le taux de concentrations de spermatozoïdes et leur motilité. Chez le premier groupe, si le nombre de spermatozoïdes moyen a été de 8,2+/- 4,5 millions/ml de liquide séminal au départ ; 16,5+/-5,5 millions/ml ont été enregistrés à la fin du traitement. La faculté des spermatozoïdes à se mouvoir et se déplacer s’est aussi accrue. Chez les patients asthénozoospermiques, on a remarqué une augmentation allant de 29,9+/-5,7 millions/ml à 48,7+/-12,8/ml au terme des 90 jours.
L’amélioration de la qualité du sperme chez ces patients a entraîné une hausse du taux de grossesse chez leurs partenaires respectives. Conclusion, les scientifiques classent l’aspartate comme un complément de fertilité masculine (4). D’autres essais cliniques demeurent toutefois nécessaires avant de confirmer cette qualité thérapeutique.
Existe-t-il des effets indésirables liés à l’utilisation de l’acide aspartique ?
Accumulation dans le foie et les reins
L’aspartate, bien qu’il joue des rôles importants dans l’organisme et qu’il revête de certains bienfaits médicaux, n’est pas toujours bon pour la santé. Des revues scientifiques ont rapporté qu’à des doses trop élevées, cet acide aminé finit par devenir néfaste pour le foie et les reins. Ces deux organes jouent en fait des rôles importants dans le filtrage des déchets.
Il a été remarqué chez des sujets qui ont reçu quotidiennement des compléments alimentaires à base d’aspartate une hausse significative des marqueurs rénaux, tels que des taux élevés d’urée, synonymes d’un dysfonctionnement rénal. Les analyses de sang réalisées sur des volontaires qui consomment des doses élevées d’acide aspartique ont aussi montré des taux anormalement élevés de transaminases (signes d’une inflammation du foie), de cholestérol total et de triglycérides. (5)
Inefficacité sur la masse musculaire
Nombreuses sont les publications scientifiques qui l’ont confirmé, l’acide aspartique en complément alimentaire durant les exercices physiques ne permet pas de développer les muscles. Au cours de cette expérience de 28 jours, des hommes adultes en bonne santé ont reçu au hasard soit 3 g de placebos, soit 3 g par jour de cet acide aminé. Ils sont ensuite soumis à des exercices physiques intenses à raison de 4 fois par semaine.
On a réalisé diverses analyses avant et après chaque entrainement, afin d’évaluer la force physique, le volume musculaire, les niveaux d’hormones gonadiques (testostérone, LH, œstradiol, etc.). Aucune différence importante n’a été notée entre le groupe placebo et le groupe soumis à l’aspartate. La supplémentation d’acide D-aspartique n’a pas encouragé la prise de masse musculaire. (6)
Inhibition de la production de mélatonine
Une étude de 1997 a aussi parlé de l’effet de l’aspartate sur la production de mélatonine, ou l’hormone du sommeil qui se charge de la régulation des rythmes chronobiologiques. Au cours de l’expérience menée sur des rats de laboratoires, il a été observé que l’ajout de L-aspartate d’environ 150 à 175 µM a conduit à une inhibition de la production de mélatonine sécrétée par la glande pinéale. L’acide aminé a eu aussi un impact sur l’activité de la norépinéphrine, appelé aussi noradrénaline C’est une hormone adrénergique et neurotransmetteur qui joue aussi un rôle important dans le sommeil.
Les résultats de cette expérience ont démontré que l’aspartate peut perturber la qualité du sommeil à forte dose, voire causer des troubles de l’endormissement. (7)
Bien choisir son acide aspartique en poudre
Les compléments alimentaires à base d’acide aspartique se déclinent en trois grands types sur le marché. Il y a l’acide L-aspartique, la forme naturellement présente dans les aliments et qui sert de base aux protéines. Puis, son isomère D-aspartique, issu de son métabolisme et qui fonctionne comme un neurotransmetteur. Ainsi que la forme racémique DL-aspartique, obtenu par synthèse chimique. Le choix entre ces 3 formes dépendra du résultat recherché.
La prise d’acide L-aspartique ou LAA en complément à l’alimentation est essentielle pour fabriquer d’autres acides aminés dans l’organisme, entre autres de l’acide D-aspartique. Cet acide aminé peut aussi servir aux sportifs pour augmenter leur résistance à la fatigue, en retardant l’utilisation de glycogène dans les tissus musculaires.
On conseille plutôt l’acide D-aspartique ou DAA pour stimuler la production de testostérone, augmenter la performance athlétique, ainsi que booster la santé sexuelle et la libido.
Acide aspartique : Quelle est la posologie efficace ?
La dose d’acide aspartique à prendre dépend de plusieurs facteurs tels que l’âge, le sexe, l’état de santé, le régime alimentaire et l’activité physique du sujet concerné.
Pour l’acide L-aspartique, il faut en moyenne entre 500 et 1 500 mg par jour. Ce complément alimentaire est à prendre une demi-heure avant les repas ou entre les principaux repas.
En ce qui concerne l’acide D-aspartique, on recommande des doses allant de 4 à 8 g par jour en moyenne pour profiter de tous ses bienfaits. Notre organisme tolère bien cet acide aminé, dans cette forme. Pour prévenir les éventuels effets secondaires, prenez l’avis d’un professionnel de santé avant de débuter toute cure. Attention, vous ne devez pas vous supplémenter en complément alimentaire sans la supervision de votre médecin traitant.
Références
(1) R.H.A. Plimmer et F.G. Hopkins. « The chemical composition of the proteins, vol. Part I ». Analysis, London,
Longmans, Green and Co., 1912, p. 112.
(2) 4. G, Voet, Judith. W., Pratt, Charlotte.
« Bases de la biochimie: La vie au niveau moléculaire ».
(3) Topo E and al. « Evidence for the involvement of D-aspartic acid in learning and memory of rat ». Amino Acids. 2010 May;38(5):1561-9.
(4) G. D’Aniello and al. « D-Aspartate, a key element for the improvement of sperm quality ». Advances in Sexual Medicine, vol 2 No.4, 2012, pp.45-53.
(5) Nutrition Research, october 2009 Edition.
(6) Willoughby DS and al. « DAA supplementation combined with 28 days of heavy resistance training has no effect on body composition, muscle strength, and serum hormones associated with hypothalamo-pituitary-gonadal axis in resistance-trained men ». Nutr Res, 2013, p:803-810.
(7) Yamada H and al. « L-aspartate-evoked inhibition of melatonin production in rat pineal glands ». Neurosci letter, 1997 Jun 6;228(2):103-6.